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Le syndrome de Brugada

Document rédigé par l’équipe pluridisciplinaire du centre de référence pour les maladies cardiaques héréditaires (Paris), en collaboration avec des patients atteints de la maladie

Sommaire

- Qu’est ce que la maladie ?

- Quelle fréquence dans la population ?

- Quelle cause, quelle transmission ?

- Quels symptômes ?

- Quels examens pour le diagnostic? le bilan ?

- Quelle évolution ?

- Quel traitement contre les symptômes?

- Quel traitement pour prévenir l’évolution ?

- Quelle surveillance?

- La grossesse chez la patiente est-elle possible ?

- Quel bilan familial faut-il faire ?

- Intérêt du test génétique ?

Qu’est ce que la maladie ?

Le syndrome de Brugada fait partie des syndromes responsables de troubles du rythme cardiaque. Décrit pour la première fois en 1992 par 2 frères, Pedro et Josep Brugada, le syndrome est caractérisé par un aspect anormal de l’électrocardiogramme (ECG, examen qui enregistre l’activité électrique du coeur) (Figure 1) et un risque de mort subite par trouble du rythme cardiaque gravissime appelé fibrillation ventriculaire.

Les anomalies typiques de l’ECG (encore appelées type 1 de Brugada) sont caractérisées par un sus-décalage du segment ST dans les dérivations droites (V1, V2) avec aspect en dôme, suivi d’ondes T négatives.

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Figure 1
A gauche : tracé ECG du syndrome de Brugada. Les flèches montrent le sus-décalage du signal sur les dérivations V1 et V2. Cet aspect est typique du syndrome de Brugada. A droite : tracé ECG normal.

 

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Quelle fréquence dans la population ?

La fréquence de la maladie est de l’ordre de 5 pour 10.000 habitants, avec cependant d’importantes variations géographiques. Il est maintenant reconnu que le syndrome de Brugada et le syndrome de mort subite inexpliquée (SUDS) qui est endémique en Asie du sud-est correspondent à la même maladie.

Tous les patients présentant l’anomalie électrocardiographique du syndrome ne présenteront pas obligatoirement des symptômes ni a fortiori une mort subite. Cependant, on estime que le syndrome de Brugada serait responsable de 4 à 12% des 60 000 morts subites survenant tous les ans en France. Les troubles du rythme cardiaque dans ce syndrome sont plus fréquents chez les hommes que chez les femmes. Ils peuvent survenir à tout âge (du nouveau-né au vieillard) mais plus souvent à partir de 40 ans. Ils sont parfois favorisés par un épisode de fièvre.

 

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Quelle cause, quelle transmission ?

Dans ce syndrome, et par définition, les troubles du rythme surviennent sur un cœur anatomiquement normal, ne présentant pas d’anomalie mécanique de fonctionnement. Il s’agit donc d’un dysfonctionnement qui peut être considéré comme « purement électrique ».

Très rapidement le syndrome de Brugada est apparu comme une maladie pouvant être soit sporadique soit familiale avec une origine génétique. Dans les formes familiales, la maladie se transmet selon un mode dit « autosomique dominante ». Cela signifie que le gène anormal peut se transmettre à la descendance avec un risque de 50% pour chaque enfant, et un risque équivalent pour les garçons que les filles.

L’étude de grandes familles atteintes du syndrome a permis d’identifier deux zones de l’ADN sur le chromosome 3 qui sont responsables de la maladie. L’un des gènes en cause a été caractérisé. Il s’agit du gène SCN5A, qui assure la fabrication d’une partie du canal sodique, qui a un rôle majeur dans l’activité « électrique » des cellules cardiaques. Les mutations de ce gène sont responsables d’une altération du fonctionnement de la protéine (le canal sodique).

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Figure 2
Structure du canal sodique cardiaque. Cette protéine transmembranaire forme un canal en son centre. Ce canal est sélectif pour le sodium et en fonction du potentiel de membrane il va s’ouvrir et ainsi dépolariser la cellule cardiaque.

 

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Quels symptômes ?

Certains patients ne ressentent aucun symptôme. Les autres ressentent des symptômes en rapport avec la survenue de troubles du rythme (anomalie du rythme ventriculaire, sous la forme d’un emballement du cœur). Les symptômes sont habituellement intermittents et très peu fréquents. Il s’agit de malaises, avec ou sans perte de connaissance complète. Les troubles du rythme peuvent survenir la nuit et ils sont alors suspectés devant des pertes d’urine inexpliquées chez un adulte.

La survenue de symptômes a une importance majeure pour les décisions thérapeutiques et il est donc fondamental de ne pas les négliger ou les sous-estimer.

 

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Quels examens pour le diagnostic? le bilan ?

Le diagnostic

Le diagnostic repose sur l’électrocardiogramme, qui peut suffire si les anomalies sont typiques. Cependant, il est maintenant reconnu que l’anomalie de l’ECG peut parfois être incomplète et/ou intermittente. La première étape de la démarche diagnostique est donc parfois la confirmation de l’anomalie chez un patient présentant un ECG suspect de syndrome de Brugada. Pour cela, il faut réaliser un test pharmacologique avec injection intra-veineuse (par une perfusion) d’un médicament (en France on utilise l’ajmaline ou la flécaïne) qui va majorer ou révéler les anomalies de l’ECG. Ce test doit être réalisé au cours d’une brève hospitalisation en cardiologie sous surveillance continue de l’ECG pendant quelques heures.

A l’issue de ce test pharmacologique le diagnostic d’ECG de Brugada sera retenu ou rejeté. Si le diagnostic est rejeté il n’y a pas lieu de poursuivre les investigations ni besoin de surveillance particulière.

Le bilan

Si le diagnostic de syndrome de Brugada est retenu (sur l’ECG seul ou après un test pharmacologique) il faudra éliminer les causes pouvant mimer cette anomalie de l’ECG (prise de certains médicaments, pathologies cardiaques aiguës ou chroniques, anomalies du bilan sanguin) et s’assurer de la « normalité » morphologique du cœur par une échographie cardiaque au minimum.

L’évaluation du risque de complication (trouble du rythme ventriculaire) peut nécessiter la réalisation d’une exploration électrophysiologique endocavitaire. Il s’agit d’introduire par voie veineuse une sonde qui va jusqu’à l’intérieur des cavités cardiaques, et d’étudier la réponse du cœur à une stimulation électrique. L’examen est réalisé au cours d’une courte hospitalisation.

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Figure 3
Déclenchement d’une Fibrillation ventriculaire lors d’une stimulation ventriculaire programmée.

 

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Quelle évolution ?

L’évolution est difficilement prévisible.

Certains patients peuvent évoluer vers la complication de la maladie : le trouble du rythme ventriculaire avec fibrillation ventriculaire (rythme cardiaque rapide et anarchique) évoluant vers le décès brutal.

Les symptômes précurseurs sont dans l’immense majorité des cas très rares, mais ils représentent un signe d’alarme majeur. En effet, les patients qui ont déjà présenté des symptômes en relation avec le syndrome ont un risque élevé d’en présenter à nouveau et également un risque de mort subite. Les patients sans symptômes (asymptomatiques) sont réputés avoir un risque de complication faible.

Quel traitement contre les symptômes?

Compte tenu de la rareté et de l’importance pronostique des symptômes, la stratégie thérapeutique ne vise pas à les empêcher. L’objectif de la prise en charge est de prévenir la mort subite.

Quel traitement pour prévenir l’évolution ?

Les patients ayant déjà présenté une mort subite ressuscitée ont un risque de récidive d’événement rythmique de plus de 60% à 4 ans. Ceux qui ont des antécédents de syncope ont un risque d’événement rythmique grave de près de 20% à 2 ans. Il existe un consensus actuel pour proposer à ces patients symptomatiques l’implantation d’un défibrillateur automatique. Cet appareil est implanté chirurgicalement sous la peau (le plus souvent sous la clavicule gauche) et est relié au cœur par une sonde. Cet appareil « surveille » en permanence le rythme cardiaque et peut délivrer un choc électrique permettant d’arrêter un trouble du rythme grave. Si les chocs électriques sont trop fréquents, on pourra proposer soit un traitement médicamenteux anti-arythmique au long cours, soit dans de rares cas une cautérisation (ablation) intra-cardiaque par cathéter de zones responsables des troubles du rythme.

Les patients sans symptômes (asymptomatiques) ont un risque de mort subite beaucoup plus faible. Dans la majorité des cas il ne sera pas nécessaire d’implanter un défibrillateur automatique. Pour certains patients asymptomatiques, cependant, en fonction du résultat de l’exploration électrophysiologique endocavitaire, des antécédents familiaux et de l’aspect ECG on pourra être amené à proposer un traitement médicamenteux anti-arythmique au long cours, voire parfois un défibrillateur automatique.

L’activité sportive a rarement de conséquences défavorables dans le syndrome de Brugada. Certaines activités sportives sont néanmoins déconseillées (voir la fiche du centre : les sports contre indiqués).

Enfin, il est important de toujours signaler la maladie avant toute prescription médicamenteuse. En effet, certains médicaments peuvent majorer l’anomalie de l’ECG et sont suspectés de pouvoir favoriser les troubles du rythme. Ces médicaments sont contre indiqués (voir la fiche du centre : les médicaments contre indiqués).

Quelle surveillance?

Les patients sans traitement ou avec un traitement médicamenteux anti-arythmique doivent surveiller l’apparition de tout symptôme nouveau et le signaler à leur cardiologue. Il est également utile de réaliser un électrocardiogramme tous les ans en l’absence de nouveaux symptômes.

La fièvre peut majorer l’anomalie ECG et favoriser la survenue de trouble du rythme dans ce syndrome. Il est donc important de consulter son médecin et d’utiliser les médicaments antipyrétiques en cas d’épisode infectieux.

Les patients porteurs d’un défibrillateur automatique implantable doivent être suivis en consultation spécialisée tous les 6 mois et doivent consulter très rapidement s’ils ont reçu un choc électrique par leur appareil.

La grossesse chez la patiente est-elle possible ?

Le syndrome de Brugada ne contre-indique pas la grossesse. Cependant, de nombreux traitements anti-arythmiques sont contre-indiqués et doivent être arrêtés en accord avec le cardiologue traitant avant le début de la grossesse. Les patients porteurs d’un défibrillateur doivent être suivis de façon plus rapprochée en cas de grossesse, par les médecins du centre où a été implanté le défibrillateur.

Quel bilan familial faut-il faire ?

Compte tenu de la transmission de la maladie sur le mode autosomique dominant, un sujet malade (ou porteur de la mutation) transmettra la maladie à ses descendants avec une probabilité de 50% pour chaque enfant. Par ailleurs, et en tout cas dans le cadre des formes familiales, la maladie a habituellement été transmise par l’un des deux parents du patient, et peut avoir été transmise à la fratrie de celui-ci. Il est donc impératif de rechercher le syndrome de Brugada chez tous les apparentés au premier degré (parents, frères et sœurs, enfants) de tout sujet atteint du syndrome. Le bilan familial doit comporter au minimum un enregistrement ECG, et il peut être complété par un test pharmacologique. Cette enquête familiale sera étendue de « proche en proche » aux apparentés au premier degré si d’autres patients sont identifiés.

En ce qui concerne les jeunes enfants, l’ECG est d’interprétation plus difficile pour le diagnostic de syndrome de Brugada.

Chez l’enfant, l’âge du premier bilan ne fait pas l’objet de consensus. Un ECG peut être réalisé dès le plus jeune âge pour certains, ou pour d’autres seulement à partir de la puberté (en l’absence de symptômes). Comme les signes cardiaques de la maladie sont parfois retardés ou fluctuants, le bilan ECG doit être répété régulièrement, y compris chez l’adulte. Chez les enfants ayant un syndrome de Brugada, la fièvre favorise souvent les pertes de connaissance. Il faut donc faire baisser la température très rapidement.

Intérêt du test génétique ?

Le test génétique consiste à faire une prise de sang, extraire l’ADN, et rechercher l’anomalie génétique (mutation) responsable de la maladie dans la famille. Actuellement, il est possible de mettre en évidence une mutation chez seulement 10 à 25% des patients atteints du syndrome de Brugada. Cette faible proportion ne signifie pas que les autres patients n’ont pas de mutation, simplement toutes les mutations et tous les gènes responsables du syndrome ne sont pas encore connus. En revanche, quand une mutation est identifiée chez un patient, il est alors facile de la rechercher chez les membres de la même famille pour déterminer qui sont les porteurs et non porteurs de la mutation. Dans cette situation, le test génétique constitue un apport diagnostique précieux pour guider la surveillance cardiologique. Par contre chez un patient malade, le test génétique ne change pas à l’heure actuelle la prise en charge clinique. Dans l’avenir, la recherche en génétique devrait permettre de découvrir de nouveaux gènes impliqués dans la maladie.

Documents joints

brochure-brugada-2012.pdf

Brochure patient Brugada