Fiche de Synthèse des données scientifiques utiles au conseil génétique

Le Syndrome de Brugada

Société Française de Génétique Humaine

1. INTRODUCTION

C’est en 1992 que les frères P. et J. Brugada ont décrit une nouvelle entité clinique associant un bloc de branche droit avec élévation du segment ST sur l’électrocardiogramme (dérivations V1 à V3) et un risque élevé de mort subite, en l’absence d’anomalies cardiaques morphologiques (Brugada et al., 1992). Depuis, la maladie est appelée communément « syndrome de Brugada » (OMIM 601144).

La prévalence de la maladie est encore mal connue mais celle-ci pourrait être responsable de 4 à 12% de toutes les morts subites, et d’environ 20% des morts subites survenant sur cœur morphologiquement normal (Antzelevitch et al., 2002, Juang et al., 2004).

La maladie est souvent familiale, et la transmission est alors autosomique dominante. La maladie est génétiquement hétérogène avec un gène identifié jusqu’à présent : le gène SCN5A (chromosome 3), qui code pour la sous unité alpha du canal sodique (Chen et al., 1998). Les mutations conduisent habituellement à une perte de fonction du canal ionique (Antzelevitch et al., 2001). Des mutations dans ce gène sont retrouvés chez environ 20% des patients, dans des études qui regroupent des formes familiales et des formes apparemment isolées (avérées ou sur la base d’une information familiale incomplète). Dans une autre famille, une liaison génétique a été décrite avec une région voisine du chromosome 3.

La seule thérapeutique ayant formellement montré son efficacité dans la prévention de la mort subite est l’implantation d’un défibrillateur automatique. Son implantation est habituellement proposée chez les patients symptomatiques (ayant fait une syncope, ou un arrêt cardiaque récupéré). Des travaux récents suggèrent qu’un traitement médicamenteux par quinidine pourrait avoir une place chez certains patients. La stratégie thérapeutique reste actuellement difficile à déterminer chez les patients asymptomatiques.

2. DIAGNOSTIC DU PHENOTYPE

2.1 Eléments du diagnostic positif

2.1.1 Critères diagnostiques

Le diagnostic est habituellement porté à l’occasion d’une syncope ou d’un arrêt cardiaque récupéré, parfois de façon fortuite à l’occasion d’un tracé ECG systématique. Il repose sur le tracé électrocardiographique (ECG) sous la forme d’anomalies de dépolarisation et de repolarisation (dérivations V1 à V3), en l’absence d’ischémie myocardique, d’anomalie métabolique ou d’anomalie cardiaque structurale. Trois formes du syndrome ont été définis à l’issu d’un consensus européen récent (voir figure 1) (Wilde et al. 2002).

  • Le type 1 est celui décrit initialement et il est le plus classique. Il est caractérisé par un sus-décalage du segment ST (point J = 2 mm) convexe vers le haut (dit en dôme), avec descente progressive et ondes T négatives.
  • Le type 2 est caractérisé par un sus-décalage du segment ST (point J = 2 mm) concave vers le haut (dit en selle de cheval), restant positif (partie terminale = 1 mm), suivi d’ondes T biphasiques ou positives.
  • Le type 3 est caractérisé par un sus-décalage du segment ST (point J = 2 mm) concave vers le haut (également dit en selle de cheval), avec une partie terminale du ST qui est < 1 mm.

On note par ailleurs que l’intervalle PR peut être augmenté (> 200 ms). L’intervalle QT est le plus souvent normal, mais il peut être allongé (QTc = 440 ms).

Il faut noter que ces anomalies ECG peuvent fluctuer dans le temps, en fonction de l’activité du système nerveux autonome, de certains médicaments.

De plus, la spécificité des types 2 et 3 n’est pas bien établie et leur présence conduit à proposer un test pharmacologique visant à clarifier le diagnostic. Ce test peut également permettre de diagnostiquer le syndrome chez un apparenté avec ECG normal. Il s’agit de l’injection intraveineuse de médicament bloqueur des canaux sodiques (préférentiellement l’ajmaline, flécaïnide à défaut), qui permet alors de démasquer un tracé de type 1. En raison du risque d’apparition de troubles du rythme ventriculaires, le test pharmacologique doit être réalisé sous surveillance étroite en unité de soins intensifs cardiologiques. La valeur prédictive exacte du test pharmacologique chez les apparentés (qui ont un tracé douteux ou normal) n’est pas encore bien établie mais un travail récent réalisé dans quatre familles avec mutation identifiée trouve une sensibilité de 80% et une spécificité de 95% pour le test à l’ajmaline (Hong et al., 2004).

2.1.2 Symptômes et évolution

Le syndrome se manifeste typiquement par des syncopes ou un arrêt cardiaque, survenant au repos ou bien la nuit ou encore dans un contexte fébrile, en relation avec une tachycardie ventriculaire polymorphe qui peut dégénérer en fibrillation ventriculaire.

Le risque de décès (à environ 3 ans) chez le patient avec diagnostic ECG de syndrome de Brugada est évalué à 30-65% après un premier arrêt cardiaque récupéré, à environ 15-20% après une syncope, et entre 0 et 8% en l’absence de tout symptôme (Antzelevitch et al., 2002 ; Brugada et al., 2003, Priori et al., 2002).

Le pronostic est stratifié en fonction des symptômes mais aussi du tracé ECG spontané (type 1 versus autres types), et pour certains selon le résultat d’une épreuve électrophysiologique de stimulation ventriculaire programmée (Leenhardt et al., 2003). Le risque de décès serait ainsi de 0,5% à 2 ans chez les patients asymptomatiques avec ECG sans type 1 permanent et avec stimulation ventriculaire programmée négative (pas d’induction de troubles du rythme ventriculaire lors d’une stimulation électrique réalisée au cours d’un cathétérisme cardiaque), contre un risque de 27% chez les patients avec syncope, ECG spontané de type 1 et stimulation ventriculaire positive (Brugada et al., 2003).

2.1.3Traitement

L’implantation d’un défibrillateur automatique représente le seul moyen établi de prévenir la mort subite dans cette maladie. Il est formellement indiqué chez les patients symptomatiques. Il se discute chez les patients asymptomatiques avec ECG de base typique (type 1) et inductibles lors de la stimulation électrique ventriculaire programmée, mais les avis divergent encore.

Des données très récentes suggèrent que ces derniers patients pourraient bénéficier d’un traitement pharmacologique par quinidine, comme alternative au défibrillateur (Hermida et al., 2004, Belhassen et al., 2004). Cette molécule bloque le courant potassique de type I(to) et pourrait rééquilibrer la balance entre courants entrants et sortants, diminuant ainsi le gradient électrique transmural et par là même le risque de trouble du rythme ventriculaire. Deux études de suivi de cohortes (1 à 4 ans) montrent une bonne efficacité, en prévenant les troubles du rythme induits par stimulation (dans 76 à 88%) et en maintenant les patients asymptomatiques.

Par ailleurs certaines classes médicamenteuses sont contre indiquées chez tous les patients, asymptomatiques ou non : les antiarythmiques de classe Ic, diverses classes comme les antidépresseurs tricycliques. Enfin une prévention de l’hyperthermie est préconisée (traitement des syndromes fébriles).

2.2 Principaux éléments du diagnostic différentiel

Un sus décalage du segment ST mimant le syndrome de Brugada peut être observé dans de nombreuses situations qui doivent être scrupuleusement recherchées (Wilde et al., 2002). Parmi les situations pathologiques, citons l’infarctus du myocarde (en phase aigue), la myocardite, la péricardite, la dysplasie ventriculaire droite arythmogène, les hypertrophies du muscle myocardique (notamment la maladie de Friedreich), la dystrophie musculaire de Duchenne, l’hyperkaliémie, la prise de cocaïne. Le syndrome de repolarisation précoce et le banal bloc de branche droit sont deux autres situations fréquentes qui doivent être différentiées. Enfin certains médicaments peuvent mimer le syndrome mais également le révéler. Ce sont essentiellement les antiarythmiques de classe IC, les alphamimétiques, certains bêtabloquants, les antidépresseurs tricycliques. Dans ces différentes situations, le test pharmacologique de provocation peut s’avérer particulièrement utile.

3. EPIDEMIOLOGIE

3.1 Prévalence et influence de la population d’origine

La prévalence de la maladie est encore mal établie mais elle apparaît plus fréquente dans les pays asiatiques (où la maladie est encore souvent appelée « syndrome de mort subite inexpliquée » ou SUDS). La prévalence de la forme typique en dôme (ECG type 1) est évaluée entre 1/1000 (Hermida AJC 2004) et 1/2500 dans la population caucasienne, et à près de 1/100 dans la population asiatique. La fréquence des formes atypiques (types 2 et 3) apparaît proche de 5/1000 dans la population caucasienne (Hermida et al., 2004, Juntila et al., 2004) et plus de 1/100 dans la population asiatique (Sakabe et al., 2003).

Le syndrome de Brugada est estimé par certains comme responsable de 4 à 12% de toutes les morts subites, et d’environ 20% des morts subites survenant sur cœur morphologiquement normal (Antzelevitch et al., 2002 ; Juang et al. 2004). Dans les populations asiatiques, le syndrome pourrait même constituer la première cause de mort subite chez l’adulte jeune.

3.2 Age de début, sexe

L’âge moyen du début des premiers symptômes (syncope, mort subite) est de 40 ans, avec des extrêmes entre 1 et 77 ans (Juang et al. 2004). On note que les épisodes de fibrillation ventriculaire surviennent dans 80% des cas chez des patients qui avaient fait auparavant une syncope.

Bien que de transmission autosomique dominante, la maladie est plus fréquente (sex ratio H/F : environ 4/1) et plus grave (plus d’accident de mort subite) chez l’homme que chez la femme (Brugada et al., 2003).

3.3 Grossesse

Il n’a pas été rapporté d’aggravation des symptômes chez la mère lors de la grossesse, et aucune précaution particulière n’est actuellement recommandée pendant cette période.

3.4 Environnement

Les complications de la maladie surviennent le plus souvent au repos, et notamment la nuit. Les complications, ou bien les signes ECG, peuvent être favorisées par certaines classes médicamenteuses (voir plus haut), mais aussi par la fièvre (Patruno et al., 2003), ce qui conforte les observations expérimentales (voir 3.3).

3.5 Association à d’autres maladies

Certaines associations ont été rapportées chez quelques patients, avec coexistences de maladies cardiaques liées à SCN5A (QT long, Bloc de conduction) ou non (Dysplasie ventriculaire droite arythmogène (OMIM 107970).

4. GENETIQUE

4.1 Mode de transmission.

Il est autosomique dominant. Le contexte familial de la maladie peut cependant être absent traduisant la grande variabilité de l’expression de la maladie, mais pouvant aussi faire suggérer la possibilité de mutation de novo, même si cela n’a pas été rapporté jusqu’à présent, ou bien encore une pénétrance incomplète des mutations en cause.

4.2 Gènes/ et loci

Le gène SCN5A a été identifié pour la première fois en 1998 comme responsable du syndrome de Brugada (Chen et al., 1998). Depuis, des dizaines de mutations SCN5A ont été rapportées, mais il existe une hétérogénéité génétique et ce gène n’apparaît impliqué que dans 20 à 25% des cas index (un peu plus lorsqu’il existe un contexte familial).

Le gène SCN5A se localise sur le chromosome 3p21, il comprend 28 exons qui s’étendent sur environ 80 Kb. Il code pour la sous unité alpha du canal sodique cardiaque (protéine de 2016 a.a.). Ces canaux sodiques ont un rôle physiologique majeur dans l’initiation de la dépolarisation des cardiomyocytes (courant sodique entrant, phase 0 du potentiel d’action).

Un autre locus a été décrit, dans une seule famille, sur le chromosome 3p22-25 (Weiss et al., 2002).

4.3 Mutations SCN5A et conséquences fonctionnelles

Trois types de mutations ont été identifiées : elles sont majoritairement de type faux sens ; elles modifient parfois les sites d’épissage ; ou décalent le cadre de lecture avec apparition d’un codon stop prématuré (Juang et al., 2004 et Antzelevitch et al., 2002). Les mutations se répartissent sur toute l’étendue du gène, sans point chaud rapporté.

Les conséquences des mutations sur le fonctionnement des canaux ioniques ont été étudiées par méthode de patch-clamp dans des modèles cellulaires. Les mutations peuvent conduire à une incapacité du canal à s’exprimer, à migrer à la membrane, ou bien à une réduction du courant sodique, ou encore à une inactivation rapide du canal (revue in : Antzelevitch et al., 2001, Leenhardt et al., 2003). On notera que ces observations sont volontiers faites dans des conditions expérimentales qui reproduisent la température du corps mais qu’elles ne le sont habituellement plus pour des températures plus basses. Dans tous les cas, la conséquence est une perte de fonction avec réduction de la contribution du courant sodique dans la phase initiale du potentiel d’action. Ceci va par la même retentir sur le courant potassique sortant transitoire I(to), avec une augmentation de ce courant, pendant la phase 1 du potentiel d’action. Or, le courant I(to) est responsable dans les conditions physiologiques d’un gradient transmural (entre épicarde et endocarde) pendant l’activation ventriculaire (plus marqué dans le ventricule droit), responsable de l’élévation du point J sur l’ECG. Dans le syndrome de Brugada il y a perte du potentiel d’action « en dôme » des cellules épicardiques du ventricule droit avec pour conséquence un sus décalage du segment ST plus marqué en dérivations droites. Les mutations prédisposent à la mort subite probablement en raison de l’hétérogénéité des périodes réfractaires et du développement d’arythmies par ré-entrée de phase 2.

4.4 Relations phénotype-génotype et pénétrance

Il n’a pas été rapporté de corrélations entre le pronostic de la maladie et les différentes mutations au sein du gène SCN5A, ni entre le pronostic et le fait d’avoir ou non une mutation dans ce même gène.

Les porteurs de mutations du gène SCN5A ont cependant plus fréquemment des troubles de conduction associés (allongement du PR sur l’ECG de base, de l’intervalle HV sur l’ECG endocavitaire) comparativement aux patients sans mutation de ce gène (Smits et al., 2002 ; Hong et al., 2004)

La pénétrance des mutations (analyse fondée sur un tracé ECG anormal) n’est pas encore bien connue. Les études menées dans les familles liées au gène SCN5A suggèrent que la pénétrance est globalement incomplète avec environ 30% seulement d’apparentés porteurs de mutation qui ont un ECG typique dans les conditions basales (Hong et al. 2004). Après épreuve pharmacologique (ajmaline ou flécaïne), un tracé ECG typique est souvent démasqué, mais 20 à 30% des apparentés avec mutation ont cependant un test qui reste négatif (Hong et al. 2004 ; Priori et al., 2002). La pénétrance est donc globalement évaluée à 70-80% à l’issue du test pharmacologique. La pénétrance des mutations est en fait probablement liée à l’âge des individus. L’absence d’études plus détaillées et/ou prospectives ne permet pas encore de savoir si la pénétrance est complète à partir d’un âge donné.

4.5 Autres pathologies liées à SCN5A

D’autres mutations du gène SCN5A peuvent conduire à des maladies très différentes : le syndrome du QT long congénital (LQT3, OMIM 603830, les mutations engendrent plutôt un gain de fonction, avec excès de courant sodique entrant) ; le Bloc de conduction cardiaque (maladie de Lenègre, OMIM 113900) (Schott et al., 1999) ; le syndrome de dysfonction sinusale (OMIM 608567). Il s’agit ici de mutations différentes du gène SCN5A qui conduisent à des phénotypes différents.

Cependant des recouvrements entre les syndromes ont été décrits dans de rares familles. Ici une même mutation peut conduire au sein de la même famille à des phénotypes différents : syndrome de Brugada, QT long, Bloc de conduction (Priori et al., 2000 ; Kyndt et al., 2001).

5. TESTS GENETIQUES

5.1 test diagnostique

Le test génétique SCN5A n’a pas d’intérêt dans une perspective de dépistage systématique dans la population générale.

Il peut avoir un intérêt dans le diagnostic positif d’une personne suspecte du syndrome de Brugada et qui ne réunirait pas tous les critères souhaitables, en particulier chez un patient asymptomatique avec facteur intercurrent (voir diagnostic différentiel) ou bien chez un patient symptomatique mais qui n’a pas un tracé ECG typique (basal et/ou après épreuve pharmacologique).

Du fait de l’hétérogénéité allèlique, l’analyse des seules mutations SCN5A connues n’est pas envisageable. Les laboratoires utilisent habituellement une stratégie d’analyse complète des régions codantes du gène SCN5A, par technique de type SSCP ou DHPLC, avec ensuite caractérisation du variant par séquençage. Le diagnostic n’est accessible que dans quelques rares centres spécialisés en France. Une mutation induisant un changement d’amino-acide, non encore répertoriée et en l’absence d’étude électrophysiologique, ne permets pas toujours un diagnostic de certitude.

Du fait de l’hétérogénéité génique, il faut rappeler que le test génétique SCN5A n’a de valeur que s’il s’avère positif avec mise en évidence d’une mutation. L’absence de mutation chez le cas index ne permet pas de conclure (autre gène en cause ? sensibilité insuffisante de la technique ?…).

5.2 test présymptomatique chez les apparentés de malades

Le test génétique peut utilement être proposé aux apparentés d’un cas index avec mutation SCN5A préalablement identifiée. La discussion concerne ici un apparenté qui non seulement n’a pas de symptôme mais a également un examen cardiologique normal (tracé ECG).

On rappelle que l’étude des apparentés par les outils cardiologiques seuls ne permet d’identifier que 30 à 80% des porteurs de mutation (ECG simple ou ECG après épreuve pharmacologique). La raison en est que l’expression cardiaque de la maladie est souvent retardée, et le diagnostic est habituellement tardif (40 ans en moyenne).

Le risque vital encouru chez ces apparentés porteurs de mutation SCN5A, mais sans expression cardiaque de la maladie, est supposé comme faible mais il n’est en fait pas connu, en l’absence de suivi prospectif suffisant. Il est fort probable que ces individus puissent développer la maladie ultérieurement, soit spontanément, soit en présence de facteur environnemental surajouté (médicaments, syndrome fébrile).

L’identification de ces apparentés débouche sur la mise en place d’un suivi cardiologique, la prévention de l’hyperthermie et surtout sur la remise d’une liste de médicaments contre indiqués, notamment les antiarythmiques de classe Ic, les antidépresseurs tricycliques (voir chapitre 2) (Priori et al, 2002). Les études ultérieures diront si ces patients pourront bénéficier par ailleurs d’un éventuel traitement pharmacologique préventif par quinidine.

5.3 test pronostique

En l’absence de corrélation phénotype-génotype démontrée vis-à-vis du pronostic de la maladie, le test ne se justifie pas s’il est réalisé uniquement à visée pronostique.

5.4 test prénatal

Les demandes de certains couples peuvent amener à discuter l’éventualité d’un diagnostic prénatal. La gravité potentielle de cette maladie, alliée à la lourdeur du traitement préventif de référence (le défibrillateur) et aux difficultés techniques de son utilisation chez l’enfant, pourraient plaider pour la réalisation d’un tel test si la demande des parents est réelle et persistante après une discussion approfondie auprès d’une équipe pluridisciplinaire. La survenue tardive de la maladie, la relative bonne performance des outils cardiologiques pronostiques et la possibilité d’un traitement préventif plaident au contraire contre la réalisation d’un tel test. Les décisions doivent se prendre au cas par cas dans le respect des procédures habituelles. On notera qu’aucun cas de test prénatal n’a été rapporté jusqu’à présent dans la littérature.

6. Recommandations pratiques

6.1 généralités (voir texte de la SFGH…)

6.2 recommandations spécifiques

La prise en charge des patients et de leur famille doit se faire en milieu spécialisé au sein d’une équipe pluridisciplinaire et dans le respect des règles générales énoncées plus haut.

Le test génétique se fait encore le plus souvent dans le contexte de protocoles de recherche et il n’y a pas encore de consensus ou de recommandations quant à la place du test génétique en pratique clinique.

Le test génétique peut être utile au diagnostic positif de forme atypique de Brugada. Cependant, du fait de l’hétérogénéité génique, seul un résultat positif (mutation SCN5A) sera interprétable.

Chez les apparentés au premier degré d’un patient, il est recommandé de réaliser un bilan cardiologique avec tracé ECG (un tracé de base et aussi une épreuve pharmacologique de provocation si le tracé de base est normal). _ Si le traçé ECG de base est anormal chez l’apparenté, alors la stratégie thérapeutique sera similaire à celle d’un cas-index asymptomatique avec discussion quant à la réalisation d’une stimulation ventriculaire programmée et la pose d’un défibrillateur (voir Figure 3), en plus des mesures générales préconisées (liste de médicaments contre-indiqués et traitement des accès fébriles).

Si le bilan cardiologique est normal chez l’apparenté, un test génétique présymptomatique peut se discuter (lorsque qu’une mutation a été préalablement identifié chez le cas index de la famille). Un test génétique présymptomatique peut légitimement être proposé aux apparentés dans cette situation car il conduit, en présence de mutation, à la remise d’une liste de médicaments contre indiqués, à préconiser un traitement systématique des accès fébriles, et à la mise en place d’une surveillance cardiologique (voir figure 4). Il n’y a pas de consensus pour déterminer s’il faut aller plus loin dans les investigations et le traitement chez ces apparentés et discuter une stimulation ventriculaire programmée en vue d’une éventuelle implantation de défibrillateur. Pour beaucoup d’auteurs le risque rythmique de ces apparentés, porteurs de mutation sans expression cardiaque de la maladie, est très faible et justifie surtout la mise en place d’une surveillance cardiologique pour apprécier l’évolutivité de la maladie. Ceci justifie la stricte observance des principes énoncés plus haut afin d’encadrer au mieux la réalisation du test génétique (consultation pluri-disciplinaire avant tout test génétique notamment).

Enfin, chez l’apparenté sans expression cardiaque de la maladie (pas de symptômes, tracé ECG de base normal) et à qui l’on ne peut proposer de test génétique en raison de l’absence de mutation identifiée chez le cas-index de la famille, un test pharmacologique (ajmaline) est proposé (voir figure 4) de façon à identifier les sujets qui devront bénéficier des mesures générales préconisées (liste de médicaments contre-indiqués et traitement des accès fébriles) et poursuivre une surveillance cardiologique.

7. Rédaction

Auteurs :

  • Charron Philippe, Département de Génétique, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris (philippe.charron@psl.ap-hop-paris.fr)
  • Denjoy Isabelle, Service de Cardiologie, CHU Lariboisière, Paris (isabelle.denjoy@lrb.ap-hop-paris.fr)
  • Guicheney Pascale, Inserm U582, Paris (p.guicheney@myologie.chups.jussieu.fr)
  • Le Marec Hervé, Service de Cardiologie, CHU Nantes (herve.lemarec@chu-nantes.fr)
  • Frank Robert, Départment de Cardiologie, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris (robert.frank@psl.ap-hop-paris.fr)

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  • Figure 1. Les trois types de tracés ECG chez les patients avec syndrome de Brugada. Le type 1, « en dôme », est l’aspect typique. Les types 2 et 3, « en selle de cheval », désignent les aspects atypiques. D’après Wilde et al., 2002.
  • Figure 2. Représentation du canal sodique codé par le gène SCN5A, et localisation des mutations identifiées chez des patients présentant un syndrome de Brugada. (figure préparée par Laetitia Gouas, Inserm U582)
  • Figure 3. Stratégie diagnostique et thérapeutique chez un patient suspect de syndrome de Brugada. (« Stim Vent Prog » : stumulation ventriculaire programmée. * : attitude recommandée par la plupart des auteurs mais contestée par d’autre. # : syncope ou arrêt cardiaque récupéré)
  • Figure 4. Stratégie diagnostique et thérapeutique chez un apparenté (« Stim Vent Prog » : stumulation ventriculaire programmée. : attitude discutée selon les équipes. : liste de médicaments contre indiqués et traitement des accès fébriles)